Sénat. " On veut adapter les institutions au libéralisme"

Publié le 14 Novembre 2017

La réforme du Parlement doit être un des chantiers du quinquennat Macron. Fabien Gay, jeune sénateur communiste, découvre des institutions déjà en voie de dépolitisation et s'inquiète pour l'avenir....

"On voudrait tuer les débats politiques que l'on ne s'y prendrait pas autrement."

C'est le constat de Fabien Gay, jeune sénateur de 33 ans, élu lors du scrutin de septembre dernier, en jetant son regard neuf sur l'institution.

"Avec ses projets de réformes, Macron veut accélérer un processus déja bien entamé, qui mine le démocratie", constate l'élu.

 

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" 90 amendements traités en 3 heures: un toutes les 2 minutes! Quel débat peut-on avoir dans ces conditions ?"

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"Ici, au Sénat, on nous répète en permanence que, au-delà des clivages, ,nous sommes tous là pour l'intérêt général, pour défendre les territoires.

Je crois effectivement que le Sénat n'a pas le même rôle que l'Assemblée, mais on ne peut pas dire qu'on défend les territoires et voter la baisse de dotations aux collectivités territoriales! s'insurge-t'il.

Ce sont bien des choix politques!" Déjà les procédures législatives que l'éxécutif veut "fluidifier" et "accélérer", sont parfois difficilement conciliables avec un vrai débat démocratique.

" Je travaille sur la loi hydrocarbures et je n'ai pu, faut de temps, auditionner que deux associations.

En commission, nous avons analysé 90 amendements en 3 heures, soit un toutes les 2 minutes, comment avoir un vrai débat contradictoire dans ces conditions?" s'interroge Fabien Gay.

"Ces questions touchent pourtant à l'avenir de la planète et aux choix énergétiques et de transport de notre pays", se désole-t-il.

Membre de la délégation entreprise, le nouveau parlementaire a également découvert la fabrique de concensus que sont les sujets économiques.

"Nous devons mener une mission sur la compétitivité de la France, l'un des sujets favoris des libéraux; nous devons donc auditionner des chefs d'entreprise, pourquoi pas ? Mais quand je demande à interroger aussi les représentant syndicaux ou les CHSCT, on me répond qu'on n'a pas le temps.

On voit bien que les contraintes techniques servent 'alibi pour imposerdes vues idéologiques."

 

EN TECHNOCRATIE

Cette tendance à faire entrer dans un cadre consensuel des choix de société est accentuée par l'arrivée de la nouvelle majorité: "Ce qui me frappe, c'est à quel point il y a accord entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale de droite.

Le seul débat c'est "avec quelle force on serra la ceinture?", constate le sénateur. " Ce gouvernement est essentiellement composé de technocrates et très peu de politiques.

Nous, communistes, portons un projet de société qui n'entre pas dans leur champ de vision."

Un avis, que le militant d'originaire de Bordeaux partageait avant son élection,et qui ce voit renforcé avec l'expérience.

" Le secrétaire d'Etat au Logement est venu au Sénat et a répondu pendant 5 heures, sans notes, aux questions techniques des sénateurs.

Mais quand, avec les sénateurs communistes, nous l'avions interrogé sur l'impact dans la vie des gensde ces mesures (la baisse des APL - NDLR), il a semblé comme perdu, mal à l'aise pour nous répondre."

 

VERS LE BIPARTISME

Une réforme du Parlement serait donc la bienvenue, selon Fabien Gay, mais ce qui s'annonce ne lui plaît guère: " Macron veut adapter encore davantage les institutions au libéralisme.

On va réduire le nombre d'élus et donc favoriser le bipartisme, réduire le temps de débat et donc favoriser la vision dominante, et tout ça au nom de la crise politique?" fait mine de s'interroger le parlementaire, " c'est un contresens.

Il faut au contraire favoriser le lien entre élus et la population, donner de nouveaux moyens d'intervention pour arrêter de mener les mêmes politiques qui favorisent toujours les mêmes et écrasent la majorité".

Même minoritaire, le nouveau sénateur croit en la possibilité de "faire bouger les choses par le débat, en tout cas qu'on ne  compte pas sur nous pour nous taire face au nouveau coup de force démocratique qui se prépare".

C'est dit.

Crédit: Cédric Clérin pour l'Humanité Dimanche

 

Rédigé par Collectif Jeunes CGT 08

Publié dans #actualite, #politique, #information

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